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A la rencontre de Mathieu Pauget, auteur de l'affiche des Puces de l'Illu #7

Le Campus Fonderie de l’Image est une école de design graphique et numérique située à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), qui fête ses 30 ans cette année. Ouvert sur la création, le Campus organise pour la septième année les Puces de l’Illu, le festival de l’illustration contemporaine, les 7&8 décembre prochains. Illustrateurs, imprimeuses, graveurs, éditrices viennent à la rencontre du public, présenter et vendre leurs travaux. L’affiche de cette septième éditon est réalisée par l’artiste Mathieu Pauget, qui l’a également imprimé en lithographie. Découvrez l’interview de Mathieu Pauget par Malina Cimino, agent d’illustrateur-trices !

Salut Mathieu ! Qui es-tu ? Raconte-nous ton parcours !
Je suis né le 19 juillet 1989 à Lyon et j’ai fait les Arts déco de Paris en section Image Imprimée. À ma sortie d’école, j’ai monté un atelier de sérigraphie et gravure à Maisons-Alfort, avec mon ami Lucas Ribeyron. Nous avons ensuite créé avec Frédéric Déjean l’atelier CO-OP. Il y a deux ans, j’ai quitté l’atelier afin de me consacrer pleinement à ma pratique artistique. 

Tu peux nous décrire une journée typique (cool/que tu apprécies) ?
Il y a rarement une journée « type » car je jongle entre différents projets et des boulots rémunérés très différents les uns des autres. Mais si je dois décrire une journée que j’apprécie, ça consiste à prendre le temps de jouer le matin avec mon enfant, puis de le déposer à la crèche, d’aller faire un peu d’escalade et d’arriver à l’atelier vers 11h pour travailler sur mes différents projets jusqu’à 18h. C’est un bon équilibre !

Et nous raconter à quoi ressemble ton atelier ? 
J’ai eu plusieurs types d’ateliers ces deux dernières années, mais je viens de me poser de façon définitive il y a peu. Il est situé à Ledru-Rollin, c’est un espace partagé par des animateurs, des illustrateurs et des VFX. C’est très lumineux et j’ai de la place pour dessiner et faire des peintures de petits formats. C’est important de partager mon espace avec d’autres personnes, ça me permet de discuter de mon travail, d’avoir d’autres points de vue, de me changer les idées, et ça permet aussi d’être inspiré par le travail des autres, même si ce qu’ils font n’ont rien à voir !

Durant le festival, le Campus Fonderie de l’Image organise des visites de l’atelier A Fleur de Pierre pour ses étudiant-es, dans lequel tu as aussi réalisé une lithographie de cette affiche. Tu peux nous raconter comment ça s’est passé ? 
Quand j’étais encore étudiant aux Arts déco, j’ai eu l’occasion de faire un stage à l’atelier A fleur de pierre. J’avais alors juste effleuré la technique de la litho, mais toutes les possibilités qu’elle offrait m’avaient beaucoup plu. Lorsque Margot Mourrier m’a proposé de faire l’affiche, j’ai sauté sur l’occasion et proposé qu’on la fasse en lithographie. Je suis allé voir Laurence et Etienne, et je leur ai parlé de l’image que je voulais faire. Ils m’ont conseillé, m’ont rappelé ce qu’il était possible de faire, et je suis donc revenu pour dessiner sur mes cailloux quelques semaines après. J’avais 3 pierres, une pour chaque couleur, j’ai reporté mon dessin sur chacune des pierre et je me suis mis au travail. C’était très agréable de dessiner là-bas, connaissant bien l’équipe on se sent tout de suite comme chez soi, ce qui fait que lorsque les étudiants sont venus ils se sont aussi sentis à l’aise pour poser plein de questions pendant que je travaillais. Ils étaient très curieux de comprendre le fonctionnement de la lithographie.

Quels sont les challenges dans la vie d’un illustrateur ?
Je ne sais pas trop répondre à cette question, car je ne me considère pas vraiment comme un illustrateur. Mais je dirais que le plus gros challenge c’est de réussir à vivre de son travail sans avoir à sacrifier ce en quoi on croit. Ça veut dire être capable de dire non à certaines commandes parfois.

Dirais-tu qu’il y a quelque chose qui fais ta marque, ton identité ? Si oui, quoi ? 
Peut-être mes cadrages et mes mises en scène, qui donnent l’impression d’un moment figé de façon presque photographique, et les thématiques que je traite, qui donnent une « inquiétante étrangeté » à l’ensemble. Il y a aussi le travail de la couleur et la présence récurrente d’éléments naturels, qui sont omniprésents dans mes travaux.

Quelle est l’importance du dessin dans ta vie ? Qu’est ce que tu fais quand tu ne dessines pas ? 
Bien entendu, le dessin a une grande importance dans ma vie, mais j’arrive aussi à ne pas dessiner et à faire des pauses. J’aime alors passer du temps dans la montagne, faire des randonnées, de l’escalade, lire.

Quelle importance a pour toi le fait de former, éveiller, attiser la curiosité du public/des élèves/des artistes autour de différentes pratiques, afin de comprendre le cheminement de création et de fabrication ? (Par exemple pour la lithographie qui a dû prendre des jours de travail et dont peu de gens connaissent le procédé)
Je trouve ça très important d’expliquer et de continuer à faire vivre/découvrir ces techniques car elles nourrissent énormément l’univers des artistes. Chacune possède ses spécificités plastiques et techniques, elles demandent à l’artiste de regarder son travail sous un nouveau jour et de se ré-inventer souvent. Pour le public il est important de comprendre l’investissement en temps que ces techniques demandent, le travail d’artisans incroyables derrière et le statut particulier des ouvrages qui en sortent.

Tu te présentes comme un artiste aux techniques multiples, quels sont tes outils/techniques que tu privilégies dans ta pratique du dessin ? 
Cela dépend des périodes. En ce moment je privilégie les crayons de couleur et les craies Neocolor, mais l’aquarelle, la peinture et la plume ne sont jamais très loin. Quand je sens que je me répète un peu, que je suis trop à l’aise avec une technique, et que je produis des choses trop « faciles », j’essaie d’en changer. Ça me permet de me remettre en danger, d’apprivoiser un autre langage, et donc me renouveler. 

Les outils/techniques auxquels tu aimerais revenir ? Ou au contraire que tu aimerais commencer ou réduire ? 
J’aimerais trouver le temps d’approfondir ma pratique de la peinture à l’huile ou à l’acrylique. Je vais aussi essayer de maitriser les Poster Color, ces encres qui servent pour les backgrounds des films d’animation. C’est un médium qui m’intrigue particulièrement.

Qu’est-ce qui t’inspire ? 
Les images en général m’inspirent, qu’elles soient pour des images de pub, de mode, issues du photo-journalisme ou bien d’archives. J’en consomme énormément, je les mets de côté et je m’en sers en extrayant les éléments qui me plaisent.

Tu te souviens de ton premier dessin ? Le dernier ? Et celui que tu préfères ? Ou au contraire que tu aimes le moins ?
Je n’ai aucun souvenir de mes premiers dessins, mais ça devait sans doute être des copies de Dragon Ball Z sur calque, comme plein de jeunes dans les années 90 ! Mon dernier dessin est un jeu de reflets sur l’eau, on aperçoit deux jambes qui rentrent dans l’eau tandis que le reflet prend tout le dessin.

Tu dessines quoi quand tu es au téléphone ? 
Je n’ai jamais pris l’habitude de dessiner au téléphone, alors je fais plein d’autres choses : cuisiner, ranger, écrire des mails.

Si on te donnait carte blanche sur un projet avec l’artiste de ton choix, raconte-nous ce que tu ferais ! 
J’aimerais bien travailler avec Vincent Masson, c’est un artiste qui réalise de très beaux video mappings. Et je serais assez curieux de voir ce que pourrait donner une collaboration entre nos deux univers !

Quels sont tes projets à venir ?
Avec un ami, Quentin Letout, on est en train d’écrire un scénario de film d’animation qui se passerait à la montagne – étonnant, non ? Tout ça est encore très secret, mais on s’investit à fond là-dedans.

Tu réalises la septième affiche des Puces de l’illustration cette année, est-ce que tu peux nous raconter ton processus de création pour cette affiche ? (Inspiration, étapes de dessin, choix de la technique, le temps que ça t’as pris ?) 
Pour l’affiche, l’idée était de faire une mise en abyme du dessin dans le dessin. J’ai donc composé une image où des personnages sont en train de contempler un tableau, ou une fenêtre, chacun le voit comme il le sent, à l’image des personnes qui vont venir aux Puces pour voir des œuvres, ou de ceux qui regardent l’affiche… J’ai ensuite rajouté des éléments qui m’amusaient comme les nageurs, et la famille de pêcheurs, je trouve que ça décale l’image et que ça la rend moins « sérieuse ». Pour faire une image comme celle-ci, j’ai dû faire quelques croquis, puis j’ai rapidement fait le dessin à la bonne dimension, avec ma technique de prédilection, le crayon de couleur. 

Pour en saisir encore mieux l’ambiance, est-ce que tu pourrais donner une BO à cette affiche ? 
Pendant la phase de dessin, j’ai beaucoup écouté le nouvel album d’Odezenne, ce n’est pas vraiment en lien avec l’image, mais c’est que j’avais dans les oreilles à ce moment là…

Cette année, l’affiche des puces est animée par tes soins (via une application proposée par le Campus Fonderie de l’Image et créée par Maison Tangible). 
L’animation prend quelle place dans ton processus de dessin ? Est-ce que chaque illustration est pensée animée ? 
L’animation m’a toujours attiré mais j’en ai fait très peu. Je m’y suis remis en autodidacte récemment et j’ai animé quelques dessins que j’avais déjà faits, j’aime assez ce que ça donne. Pour le moment le dessin et l’animation sont deux activités distinctes. Sauf dans des cas précis comme pour l’affiche des Puces, mes dessins ne sont pas pensés pour être animés, ce qui rend l’animation bien plus complexe malheureusement.

* Lexique pédagogique
Animateurs : L’animation est une technique par ordinateur équivalant à l’animation en volume dans un monde virtuel. 
VFX : Dans le cinéma, les effets visuels (en abrégé VFX) sont les processus par lesquels l’imagerie est créée ou modifiée numériquement, en dehors du contexte d’une prise de vues réelle.

Propos recueillis par Malina Cimino

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