Le 14 février 2020, les étudiant-es de Mastère Directeur-e de création en design graphique ont pris part au projet « Inscriptions en relation — des traces coloniales aux expressions plurielles » au Palais de la Porte Dorée, accompagné-es par leur formatrice Silvia Dore, co-fondatrice du studio Stereo Buro avec Diane Boivin, et ont bénéficié d’une intervention en cours d’Estaban González de dix — milliards — humains. Développé avec un réseau international d’universités et d’écoles d’art et de design et porté par l’association Civic city, le projet a été imaginé par le designer Ruedi Baur et la sociologue Vera Baur. En partant des inscriptions présentes sur la façade ouest du Palais de l’immigration, les étudiant-es du Campus ont créé une revue graphique intitulée “La Une” imprimée à l’atelier de Ruedi Baur, à travers laquelle ils et elles ont mis en regard la presse coloniale et la presse actuelle. Le simple exercice comparatif mettait alors en exergue l’histoire passée et présente de la migration et surtout les conditions de politiques d’accueil, permettant aux lecteurs et aux lectrices attentives de se forger une opinion à travers des thèmes et sujets clefs de la migration.
Suite à l’événement au Palais de la Porte Dorée, une restitution de toute la construction du journal « La Une » a été organisée en ligne pendant le confinement. Toute la classe de Mastère s’est connectée pour une matinée de constitution d’une frise chronologique et d’échanges avec Ruedi et Vera Baur et aussi avec le designer Malte Martin, sur la plateforme collaborative Les Cahiers du Studio. La frise chronologique dans son entièreté est à retrouver ici.
Une première partie avec les étudiant-es et Pauline Gourlet de L’atelier des chercheurs a permis de découvrir l’outil et de commencer à animer la discussion en postant par groupe les images et les textes en lien avec le travail réalisé qui devient alors visible sur la frise chronologique de restitution. L’outil Les Cahiers du Studio a permis aux étudiant-es et à leur formatrice Silvia Dore de se retrouver autour d’un seul support pour construire un projet ensemble. Le mur d’images du début de la frise témoigne du contexte dans lequel chacun-e se trouve en temps de confinement.
En deuxième partie, Ruedi Baur et Vera Baur ont échangé avec les étudiant-es sur leur travail « La Une » en réfléchissant ensemble à l’inscription de leurs mots dans le contexte actuel : frères, fondation, espoir, invasion… Pour Ruedi Baur le thème que les étudiant-es ont abordé est « extrêmement intéressant, car il s’agit de détournement stratégique du vocabulaire à des fins communicationnelles. C’est ce qu’on fait tous les jours mais qui est aujourd’hui totalement d’actualité puisque des termes comme « guerre », « distanciation sociale » sont des termes redoutables, qu’on utilise à d’autres fins pour pouvoir être suffisamment pertinent ou suffisamment fort dans son expression. »
Malte Martin, présent également dans la discussion, a rebondi sur le pouvoir des mots, notamment par le théâtre : « le théâtre a quelque chose à dire au monde ». Le groupe d’étudiant-es du mot « fondation » rebondit en posant une question sur leur statut de designer dans le contexte actuel : « L’argent n’est pas là où ça devrait être » répond Ruedi Baur. Il en ressort des discussions enrichissantes, des constants sur l’importance plus que jamais du métier de designer : « le design a la force de donner forme aux choses ! » dit Vera Baur, et pose la question : « comment concevoir l’activité de demain ?». Des débats qui ouvrent à l’interrogation suivante : « quels pourraient-être les mots de demain ? » conclut Ruedi Baur.